Entremains / Sophie Boirard et Camille Chatelet

Bienvenue Chez Entremains ! Ici, chaque trouvaille est bichonnée comme un toutou de star américaine. L’objectif ? Casser toutes les petites frictions liées à l'usure et à l’usage, grâce à une curation bien rodée et pleine d'auto-dérision. Rencontre avec Sophie Boirard et Camille Chatelet.

C’est l’histoire de deux copines installées sur les chaises bancales d’une terrasse parisienne, sirotant une bière dont la mousse brillante contraste avec la grisaille environnante. À moins bien sûr que l’histoire ne se déroule en Espagne, dans un bar à tapas couleur sangria, au bord d’une plage ou à l’ombre d’un palmier. Finalement, peu importe où se déroule la scène, du moment que Sophie Boirard et Camille Chatelet continuent de tracer leur chemin ensemble, le jeu de mots jamais loin…

Seconde main, premier choix. 

C’est la fin d’un shooting dans l’atelier de la rue des Vinaigriers, Lola, photographe et mannequin pour la marque, enfile un dernier pantalon en cuir au milieu des portants garnis de vêtements dont on ne discerne que les contours. Cet espace de stockage, alias la grotte (pour les intimes), abrite toutes les trouvailles dénichées par la bande Entremains. Pour les filles, c’est une vue d’ensemble sur toute une marchandise qui s’apprête à être triée, envoyée en lavage ou refaçonnée. Une caverne d’Ali Baba, certes, mais pas n’importe laquelle. 

Chez Entremains, la seconde main c’est une autre paire de manches (et de hanches, si on se fie à la coupe de ce pantalon en cuir.) On est bien loin de l’attachant bordel de la friperie, souvent quelque peu décourageant. Chemises blanches intemporelles, Levis 501 iconiques, mailles soyeuses et fleurs hawaiennes, ici, chaque trouvaille est bichonnée comme un toutou de star américaine. L’objectif ? Casser toutes les petites frictions liées à l’usure et à l’usage grâce à la curation. Du vintage au luxe, du contemporain aux eighties, les filles sélectionnent avant tout les pièces qui ont un truc en plus, «le petit détail qui fait tout.» Un vaste dressing pour tous les jours, des classiques pas si basiques, des tops pour draguer en soirée, des jeans façonnés pour le plaisir de nos fessiers… Bref, du style. Avec ou sans frime, à vous de choisir. 

Mais dans quel monde Vuitton ?

N’est pas qu’une des catchphrases percutantes du duo Entremains, c’est aussi la question que se sont posées les filles au moment de créer leur marque. Premier constat, le secteur de la mode génère un gâchis phénoménal, et faire les choses bien en produisant relève du (très) compliqué. « On a vite rencontré des acteurs du monde du textile, on s’est rendu compte de l’état du chantier et de l’impact de la création de vêtements sur l’environnement. Et puis on a eu une révélation, finalement, toutes les pièces qu’on voulait créer existaient déjà, il fallait juste les trouver. » Mais où dénicher toute cette seconde main ? On vous le demande ! Il y a d’abord les grossistes et les opérateurs de collecte, dont les immenses entrepôts regorgent de pièces qui auraient bien besoin d’un léger dépoussiérage. Pour le luxe, les filles achètent directement en salle de vente et proposent essentiellement des accessoires authentifiés par des commissaires-priseurs. Enfin, Entremains met en place un service clé en main pour les particuliers qui souhaiteraient faire de la place dans leur dressing. Munies de valises, elles se déplacent pour vider les armoires, et repartent avec des pièces contemporaines. Ensuite, place au trio des mots en “age” : lavage, repassage, re-façonnage !  Ce dernier est l’un des très gros plus de la marque. Pour les 501 trop larges, souvent destinés aux hommes, Entremains fait appel à un façonnier qui déconstruit les jeans pour les adapter aux morphologies féminines. Une idée plutôt très maligne pour élargir la sélection et s’adapter à toutes les clientes.

Entremains c’est aussi quelques créations ! On pense par exemple (au hasard, hein) à cette capsule upcycling qu’on a eu l’occasion d’apercevoir le jour de notre rencontre, un magnifique ensemble veste et short (anciennement plaid qui tient chaud) réalisé par une couturière. Finalement, tout ce travail pourrait se résumer en quelques mots : “On essaye de rendre cool ce qui pourrait ne pas l’être.” Et entre nous, ça fonctionne plutôt très bien. 

Coton a que l’amour.

Les deux flics de la série Miami Vice démantèlent le crime avec panache, à coup de chemises léopards et de costumes funky, au coeur d’un Miami New Wave coloré. Avec Entremains, la seconde main a trouvé son propre duo stylé, et ça tombe bien car elles sont fans de la série. Le jour de notre rencontre, Sophie, la brune aux yeux noisettes, porte une veste en vinyl Courrèges et un total look noir. Camille, le carré blond et les yeux très bleus, a plutôt opté pour du jean 501. C’est dans la kitchenette lumineuse de l’atelier qu’elles nous racontent les débuts de la marque, les souvenirs de brocantes apocalyptiques et les pop-up stores mémorables. “Je réponds ou tu réponds ?” Très vite, la question est éludée. Les filles jonglent d’anecdotes en anecdotes, il semblerait presque qu’elles s’échangent une balle invisible, un petit truc que seuls les ami.e.s savent faire. 

Quelques années plus tôt, les deux Lyonnaises se rencontrent pendant leurs études à l’EDHEC de Lille. Elles feront ensuite leurs armes dans différentes maisons, Sophie chez Rocket Internet puis chez l’Oréal, Camille chez Chanel puis chez Uniqlo. Très vite, l’envie de création pointe le bout de son nez, et avec elle, celle d’une marque de vêtements pour femmes. Ni une, ni deux, les filles se sauvent de Paris pour réfléchir aux contours du projet.

La 2ème fois c’est toujours mieux.

Tester l’idée auprès d’un public, c’est le conseil qu’elles donnent à tous ceux et celles qui voudraient se lancer. Pour Shop Charlie, leur premier drop de pièces vintage en ligne, les filles organisent des micros pop-up dans l’appartement de Camille, un deux pièces typiquement parisien, moulures au plafond et beau plancher qui grince. Les copines viennent discuter sapes et boire un verre, dans une ambiance qui annonce déjà ce que sera Entremains, une marque cool qui ne se prend pas la tête. « C’était une période test, on voulait savoir s’il était possible de valoriser la seconde main comme de la première main.”  Et puis, il y a eu les premières ventes en physique. Elles rient encore en repensant au vide grenier de la rue de Bretagne : une pluie torrentielle, des portants qui manquent de s’écrouler et un transporteur absent. C’était sans compter la manifestation des gilets jaunes et la journée du patrimoine… Une jolie ascension quand on sait que six mois plus tard, elles aménageaient leur premier espace chez Citadium. Au programme : un sol en damier décoré de tout un tas de postérieurs en jean Levis. Petit hic, le magasin vend déjà du Levis et préfère éviter. Une info qui passera clairement à la trappe lors de l’installation, car le jour de l’arrivée des filles, ce sont bien des fesses moulées dans des jeans qui ornent le sol de la boutique !

À la Montgolfière, un Social Club dédié au sport, à la culture et à la créativité, Entremains a pu s’aventurer au delà de la simple vente de vêtements en organisant un véritable événement, “C’est ce qui nous correspond le plus, on a pu proposer nos pièces et notre mobilier, inviter des marques responsables, organiser des talks avec des intervenants…” 

Quelques petites gouttes de sueur cependant, lorsqu’elles découvrent l’étendue de l’espace à aménager… Fort heureusement, il existe les puces de Saint-Ouen (et les verres de rosé pour bien finir la journée, faut pas déconner.) 

C’était vieux avant.

Agnès et Philippe ont les cheveux blancs, quelques rides, un style dévastateur et une sacrée prestance. Des mannequins atypiques pour une communication rodée qui se joue des codes. “C’était vieux avant”, la campagne qui célèbre la collaboration entre la marque Paraboot et Entremains n’est pas anodine. Sophie et Camille n’ont pas peur des premières fois (même si c’est toujours mieux la 2ème, c’est elles qui le disent.) Dans cet esprit, elles ont décidé de vendre des paires exclusives Paraboot, provenant tout droit des archives de la marque. Parmi elles, des méduses 100% cuir. Durée de vie ? 1000 ans, mi-ni-mum.

Cet amour pour les jeux de mots, les catchphrases et le prénom Lucette, Entremains s’en donne à coeur joie sur son e-shop. Il faut dire qu’avant une certaine pandémie mondiale, celui-ci n’existait pas encore. “Il fallait bien continuer à exister, tout en essayant de faire rire les gens, mais on l’avoue, c’était loin d’être facile.” Du côté des projets, les filles comptent bien organiser leurs premiers pop-up en dehors de Paris, pourquoi pas à Lyon ou à Londres, car la clientèle Entremains dépasse les frontières. Elles envisagent d’ailleurs de déménager pour un espace plus grand, un lieu de vie dédié à la curation, aux mobiliers chinés et aux événements ! Mais vivons dans le présent, si vous le voulez bien. Vous pouvez retrouver Sophie Boirard et Camille Chatelet au 20 rue du Pont aux Choux pour un pop-up spécial summer jusqu’au 27 juin ! Et ça, c’est une excellente nouvelle.

Texte : Louise Huc • Photographies ©François Rouzioux pour le Bureau Bien Vu

ENTREMAINS C’EST : 2000 PIÈCES REVALORISÉES, 465 JEUX DE MOTS, 14 POP-UP STORES.

Entremains.com

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Concept-store Merci : 111 Boulevard Beaumarchais, 75003 Paris

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