Avec sa double casquette de designer produit et espace, Margot Thiry réalise des objets aussi bien qu’elle conçoit l’univers des marques en boutique. Elle reste avant tout une artiste : quand la matière rencontre ses mains de sculptrice avisée, le dialogue est limpide, évident. Elle a ce don de réflexion, de transformation et de création intuitif et libre. Donnez-lui des pierres, elle en fera des pépites ! Comme en témoigne sa dernière collab pour les boutiques de la marque Aigle, une série de sculptures minérales baptisées “Antiques Pépites”. Un projet qui a tapé dans l’œil de l’équipe Bien Vu et orchestré notre rencontre.
Jour de tournage des French Facts, une série de mini-vidéos dédiées aux partenaires français de la marque Aigle, réalisées par le Bureau. On en profite pour échanger avec Margot dans son ancien atelier baigné de lumière à Aubervilliers.
Sensible et passionnée, l’artiste nous dépeint son parcours guidé par des valeurs éthiques solidement ancrées. Diplômée de la Design Academy d’Eindhoven, c’est aux Pays-Bas que Margot a fait ses armes. Encouragée par l’influence avant-gardiste du processus de recyclage dans la conception néerlandaise, elle choisit de rapporter cette sensibilité créative en France, en région parisienne, plutôt que dans son Tarn natal. Une vision engagée qu’elle exploite en utilisant des stocks existants pour chacune de ses réalisations.
En tant que créateur et designer, je me sens responsable de créer le plus possible avec des choses qui existent, de réutiliser la matière, pour éviter de polluer encore plus.
C’est ainsi que s’esquisse le pari de la seconde vie. Il y a 10 ans, elle développait des lignes de petits accessoires avec des chutes de tentes en tissu technique aux Pays-Bas. Alors qu’en France la valorisation des déchets n’était pas encore monnaie courante. Et laissait pour le moins… sceptique. Aujourd’hui, on l’accueille les bras ouverts lorsqu’elle part en quête de matières à recycler. Margot insiste : “à mon retour, j’ai vraiment eu du mal à trouver des matières à récupérer, les entreprises françaises n’étaient pas encore sensibilisées à cette démarche. Le vent a heureusement tourné et depuis 2-3 ans, en cherchant bien, tout ce dont j’ai besoin est à ma disposition”. Patience et persévérance, donc, sur le chemin sinueux de l’upcycling.
Concrètement, dans son atelier Margot dessine peu et construit directement autour de la matière, au gré de ses inspirations. Une étape qui peut s’étirer sur une journée comme sur 3 semaines, suivant l’envergure du projet. Collages à l’appui, elle imagine les proportions avant de s’attaquer à ses prototypes. Puis intuitivement, elle manipule, façonne, assemble et compose sans outils, directement avec ses mains. Une façon littéralement manuelle de (re)travailler la matière, quelle qu’elle soit, des pierres, de la céramique, du bois ou du verre, avec un geste qui s’apparente à celui d’un sculpteur. Alors elle enlève, elle dépouille, et ne garde que l’essentiel, de sorte à laisser le vide s’installer et s’exprimer librement.
Je pense que ma pratique se rapproche beaucoup plus de celle d’un sculpteur. Ce que j’aime réellement, c’est créer du vide à partir de matières existantes.
Son challenge au quotidien ? Créer des concepts à la fois sculpturaux et imposants, tout en étant utiles et modulables. Et surtout facilement transportables. Car Margot n’est pas une artiste qui se contente d’exposer. Elle crée pour durer : “c’est très gratifiant de travailler sur des projets issus de matières qui existent déjà, et de savoir que les sculptures vont rester dans le temps”. Comme ses dernières créations, qui trônent encore dans certaines boutiques Aigle. Œuvres qu’elle avait d’ailleurs livrées en kit pour une installation sur place efficace et pratique.
La suite, Margot l’écrit depuis son lab créatif installé à Pantin, où elle explore de nouvelles facettes de la scénographie, du set et du retail design. Jacquemus, Coralie Marabelle, David Koma London, Aigle, Chanel… Elle collabore avec des grands noms de la mode et du luxe, autant pour des shootings que des modules d’exposition pour les pop-ups. Une palette de compétences aussi étoffée que son talent ne l’est. Et un terrain de jeu infini pour continuer à relever le défi de la seconde vie !